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La carrière du Plessis en Laz, Finistère
par Germain C., Saget Ph., Tissier J.P.
Club de Microminéralogie de Brest
La carrière du Plessis, en pleine activité, exploite des quartzites (Grès armoricain) d’âge Ordovicien inférieur pour la production de granulats destinés aux Bâtiments et Travaux Publics.
1 – Cadre géologique et paléogéographique
Au Précambrien, soit pendant une période antérieure à 700 millions d’années, la mer recouvrait l’ensemble de la Bretagne. Les sédiments déposés à cette époque constituent la série dite « Briovérienne » de nos cartes géologiques.
Avant le Cambrien, les mouvements orogéniques Cadominiens [1] font émerger deux cordillères parallèles, l’une au Nord à l’emplacement du Trégor et du Léon, l’autre au Sud sur la Cornouaille. Entre les deux cordillères subsiste la « fosse armoricaine centrale » dans laquelle vont se déposer des sédiments variés depuis le Cambrien jusqu’au Carbonifère.
Tous ces dépôts seront ensuite affectés par l’orogénèse Hercynienne qui les dispose en plis parallèles de directions générale Est-Ouest.
Parmi ces dépôts intensément plissés, figurent les grès et quartzites armoricains. Cette formation appartient à la partie inférieure de l’Ordovicien, correspondant à l’étage Skiddavien : elle repose sur le Trémadocien et est surmontée par le Llanvirnien puis par le Landeilien. Son âge absolu est d’un peu plus de 500 millions d’années.
Les fossiles y sont rares ; essentiellement des Linguis (Brachyopodes) et des traces d’activité biologique (pistes et terriers de vers et de trilobites).
Ces grès formés aux dépens des assises briovériennes des cordillères Nord et Sud se sont étalés en larges cônes d’épandage dans la fosse armoricaine axiale. L’ordre de grandeur de leur épaisseur est de 500 mètres dans la presqu’île de Crozon, par exemple.
Plus résistants à l’érosion que la plupart des autres formations paléozoïques, ils jouent un rôle important dans le relief actuel de la péninsule bretonne où ils correspondent aux principales lignes de crête (Ménez Kador, Roc’h Trévezel…).
Dans cette formation, les grès blancs généralement bien calibrés dominent largement et forment des bancs épais séparés par de mineures intercalations schisteuses.
Dans la cinquantaine de mètres supérieure de la formation, les bancs gréseux prennent une coloration ocre à ocre – rose et présentent une radioactivité très supérieure à la normale. Cette coloration est due à la présence de minéraux lourds : le Zircon (silicate de zirconium ZrSiO4) et le Rutile (TiO2). La radioactivité est due à la présence d’un peu de thorium dans les zircons.
Ces deux minéraux lourds (par rapport au quartz) apparaissent le plus souvent en lits parallèles à la stratification. Ils ont du se déposer en lisière, le long des plages de l’époque, à la façon des dépôts actuels de minéraux lourds comme sur certaines plages (Casamance au Sénégal, par exemple, ou plus près de nous les plages de l’île de Groix).
2 – Métallogénie
Au cours des phases successives de l’orogenèse hercynienne, et notamment au cours des phases de distensions, des failles et fractures ont affecté l’ensemble des séries impliquées. Ces fractures ont été le siège de circulations hydrothermales. Avec la silice, d’autres éléments sont passés en solution et, à la faveur de changement des conditions physico-chimiques, se sont déposés aux épontes des fractures.
Ainsi avec la recristallisation de la silice sous forme de quartz hyalin, la mobilisation du titane a pu engendrer de nouveaux édifices cristallins et donner naissance à de nouvelles espèces minérales parmi lesquelles : le Rutile de néoformation, l’Anatase et la Brookite. Le zirconium pouvant aussi avoir recristallisé en prismes quadratiques terminés ou en octaèdres.
Une formation filonienne paraît se situer au sommet des quartzites, juste au contact avec les schistes du toit, et passant peut-être même dans les schistes.
Le filon n’est peut-être pas continu et présente probablement des renflements qui en rendent le suivi difficile. Quoi qu’il en soit, nous avons pu récolter dès le début 87 quelques bons éléments de cette formation filonienne, et y trouver une minéralisation très riche en arséniates bien cristallisés accompagnant des sulfures et sulfosels variés.
Notre méthode de détermination des minéraux est essentiellement macroscopique, c’est à dire à l’aide d’une binoculaire : comparaison avec les minéraux de référence de notre collection.
La minéralisation primaire, de type hydrothermale, est constituée par de l’arsénopyrite dominante, cristallisée en gros éléments automorphes, avec de la galène, abondante également quoique moins fréquente que l’arsénopyrite. Ces deux minéraux sont accompagnés d’un peu de chalcopyrite, d’un peu de pyrite et de cuivre-gris.
Au niveau de sa découverte, à cette époque, le filon se situait dans la zone d’oxydation proche de la surface due à la circulation d’eau d’origine météorique pouvant donner naissance à de nouveaux sulfures et sulfosels. Ainsi, l’arsénopyrite est souvent très altérée ne laissant même parfois pour témoin de sa présence que des box-works[2] caractéristiques. L’arsénopyrite et les sulfures qui l’accompagnent (galène, cuivre gris et chalcopyrite) ont donné naissance, par altération, à tout un cortège de minéraux secondaires. Les arséniates dominent : mimétite, scorodite, pharmacosidérite, carminite, beudantite, (avec un autre arséniate remarquable non identifié) ; présence également de quelques sulfates : anglésite et mélantérite (variété pisanite) ; de quelques carbonates : cérusite, malachite ainsi que des oxydes : goethite et rares antimonocres.
Au second niveau, lorsque l’exploitation eut atteint l’aplomb du point où avait été découvert la tête filonienne, un tir de mine, effectué quelques jours avant Noël 88, livrait à nouveau un matériel de choix. Le contenu du quartz filonien s’avéra plus riche encore en espèces minérales qu’au niveau supérieur, et les cristallisations d’un plus grand degré de fraîcheur.
Le quartz filonien massif, de teinte grisâtre présente un aspect rubané. Les fines bandes minéralisées se manifestent principalement dans les quelques centimètres qui bordent le quartz vers ses épontes. C’est en ouvrant avec précaution ces linéaments minéralisés que l’on accède aux fentes et box-works tapissées par les cristallisations déjà citées ci-dessus, et auxquelles sont venues s’ajouter la symplésite en gerbe de cristaux limpides d’un bleu-vert pâle ou en sphérules d’un bleu-vert plus soutenu.
La transformation partielle des sulfures et arséniures dont on peut observer tous les stades sur certains échantillons, conduit aussi à la genèse de sulfures et sulfosels secondaires au nombre desquels ont été identifiés : la covellite en très petits cristaux lamellaires hexagonaux, la chalcocite plus rare et massive, la löllengite en très petits cristaux tapissant les box-works d’arsénopyrite, et peut-être aussi des argents noirs dont l’identification n’est pas assurée.
L’arsénopyrite a, lors de son altération, fortement contribué à la genèse des arséniures secondaires. La galène est, à ce niveau et dès lors qu’une géode se présente à proximité, accompagnée de gerbes de mimétite en fins prismes hexagonaux terminés et limpides. Les mouches de cuivre gris à tennantite dominante ont sans doute contribué à la genèse des oxydes d’antimoine en très petite quantité présents au niveau supérieur.
Le type de minéralisation observé et le degré variable de transformation de la minéralisation primaire sur ce 2° gradin de la carrière doivent en fait toujours correspondre à la zone d’oxydation, mais peut-être, au moins dans sa partie inférieure, marquer une tendance à la cémentation[3].
La troisième tranche qui vient d’amorcer un nouveau gradin au départ du chantier (côté Ouest puisque la progression de l’exploitation se fait d’Ouest en Est) atteint le niveau hydrostatique. Lorsque le front sera taillé dans le secteur « convoité », nous devrions, peut-être, trouver la formation filonienne dans la zone de cémentation.
Il reste que nous n’avons pas encore réussi à reconnaître la géométrie de cette formation hydrothermale, rien de bien net n’apparaît au front de taille. Est-elle sécante ou, au contraire, suit-elle la stratification des Grès armoricains près de son contact avec les schistes ? Y a-t-il filon unique ou réseau de filons anastomosés ? Ces énigmes ne sont pas résolues pour le moment.
Un fait cependant est acquis ; c’est que cette venue hydrothermale est postérieure à la minéralisation en anatase, brookite, etc… Nous avons en effet remarqué, sur quelques échantillons, la superposition des deux minéralisations et les cristaux d’arséniates encapuchonnant ou noyant complètement les cristaux d’anatase et de brookite.
3 – Description de la carrière du Plessis
Dans la carrière du Plessis, les couches exploitées ont une direction Nord 80° Est, avec un pendage subvertical de 80 à 85° Sud. Le toit de la formation, constitué par les Schistes d’Angers, se situe côté Nord : la série stratigraphique est légèrement renversée.
Cette carrière est l’un des gisements bretons classiques pour l’obtention d’excellents échantillons de trois oxydes de titane : rutile, anatase, brookite, trouvés souvent en association, ainsi que monazite et zircon, dans un réseau de fines fractures tapissées de quartz hyalin recoupant les quartzites. Ce type de minéralisation est à rechercher essentiellement dans les 20 à 25 mètres supérieurs des quartzites, c’est à dire côté Nord de l’exploitation.
Durant la progression de l’exploitation du 2° gradin, nous avons pu récolter en abondance des anatases, de coloris variés : noir, bleu-nuit profond, bleu clair transparent, couleur caramel, ou même incolore et limpide ; alors qu’à l’étage supérieur les cristaux d’anatase n’étaient qu’exceptionnellement colorés et généralement noirs. Toujours à ce 2° niveau, nous avons trouvé des cristaux de brookite très fins, incolores et transparents ainsi que du rutile en longues aiguilles grises ou presque incolores.
Notre camarade de l’AFM Jean Herry en 1986 prospectant dans l’angle Nord-Est de la carrière découvrit quelques gros blocs de quartz laiteux massif d’aspect zoné avec minéralisation en arsénopyrite et galène, ainsi que de petites géodes et cavités contenant de jolies cristallisations de mimétite, scorodite et d’un minéral identifié plus tard comme de la carminite.
A la bourse de St Yvi, bourse où se retrouvaient les micromonteurs de Bretagne (avec aussi quelques parisiens fidèles depuis l’origine de cette sympathique manifestation) Jean Herry nous fit part de sa découverte et nous fit admirer sous la binoculaire ses micromontages du Plessis.
Sur le chantier, heureusement, tout n’était pas encore passé au concasseur, nous avons pu retrouver quelques blocs de ce quartz massif, et plus ou moins bien repérer son origine.
[1] Mouvement orogénique = Mouvement tectonique correspondant à la limite Précambrien/Cambrien
[2] Boxwork : Empreinte d’un minéral dissous
[3] Cémentation : Précipitation de sels dissous à la limite supérieure d’une nappe phréatique.
Biblio – Laz
Bibliographie sur le gisement de Laz (Finistère)
Bariand P., Cesbron P., Geffroy J. (1978) – Les minéraux – Ed. Minéraux et Fossiles (Meung/Loire), vol:2
Chauris L. (1971) – Les recherches récentes sur le grès armoricain dans le Nord-Ouest de la Bretagne – Mémoire BRGM, n° 73, pp:213-221
Dana E.S. (1944) – System of mineralogy – Ed. Wiley J. and sons, vol:1, 7° édition
Faure P.P. (1978) – Les grès à rutile et zircon du massif armoricain – Thèse 3° cycle (Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris)
Germain C., Saget Ph., Tissier J.P. (1990) – La carrière du Plessis en Laz, Finistère – Cahier des Micromonteurs, n°1, pp:11-19
Germain C., Guillou A., Saget Ph. (1985) – Les minéraux des grès armoricains – Cahier des Micromonteurs, n° 4, pp:3-10
Meyer D. (1975) – Découverte d’un arséniate de fer à Ste Marie aux Mines – Monde et Minéraux, vol:7, p:151
Routhier P. (1963) – Les gisements métallifères : géologie et principes de recherche – Ed. Masson (Paris), vol:1
Saget Ph. (1983) – Sous ma bino… Les anatases de Roudouallec (Finistère) – Cahier des Micromonteurs, n° 4, pp:2-4